Les Indiens de la Raposa Serra do Sol, désormais seuls maîtres de leur réserve, et de leur destin
Boa Vista, joli nom, mais pourquoi cette destination ? Cette petite ville au nord du Brésil, à dix heures de route du port de Manaus, n’est pas au programme des guides touristiques. Et pour cause, il n’y a là, a priori, pas grand-chose à faire ni à voir. Mais pour nous, Boa Vista, c’est le point de départ d’une belle histoire, et surtout, la première réelle opportunité de travailler qui se concrétise durant notre voyage.
Dans un jugement historique, la Cour suprême du Brésil a confirmé le 19 mars 2009 le droit exclusif des Indiens à occuper et utiliser les terres de Raposa Serra do Sol, dans l'éta de Roraima, où vivent quelque 20 000 Indiens appartenant à cinq groupes différents. Les Sages ont décidé que les fermiers devaient quitter la région.
Une mesure accueillie avec beaucoup de joie, le territoire ayant été l’objet d’une violente campagne de la part de fermiers et colons locaux pour empêcher les Indiens de récupérer leurs terres.
Une décision historique pour les Indiens
A l’annonce du jugement, le 19 mars dernier, ils ont hurlé de joie, et commencé à danser. Sur l’esplanade des Trois-Pouvoirs, en plein cœur de Brasilia, les représentants des Indiens des différentes ethnies de la réserve de Raposa Serra do Sol fêtaient une décision de la Cour suprême. Après trente années de conflit, les Sages (10 pour, 1 contre) ont confirmé la démarcation de la réserve dans son intégralité, soit près de 1,8 millions d’hectares dans l’Etat de Roraima, à la frontière avec la Guyane et le Venezuela.
509 de colonisations et 30 ans de conflit Si la Constitution de 1988 a reconnu des droits aux peuples indigènes, son application a pris de nombreuses années. La plupart des fermiers ainsi que quelques riziculteurs quittent le territoire après avoir obtenu des compensations de l’Etat. Mais un petit groupe de riziculteurs refuse de partir malgré plusieurs tentatives d’expulsion de la police. Ils rentrent alors en résistance, soutenus par un puissant groupe de politiciens locaux. A partir d’avril 2008, les violences s’intensifient. Les Indiens essuient des tirs et au moins dix d’entre eux sont blessés par balle. Pour les empêcher d’entrer ou de sortir de leur territoire, les fermiers incendient des ponts. Plus de vingt Indiens sont tués et des centaines d’autres sont blessés alors qu'ils luttent pour défendre leur territoire ancestral. Les Indiens qui occupent ce territoire dépendent étroitement de la terre et des rivières pour leur subsistance et leur développement économique. Les fermiers et les politiciens locaux prétendent pourtant qu’ils représentant un obstacle au développement de l’Etat du Roraima. « A combien de tonnes de riz évalue-t-on la préservation de notre vie et de nos valeurs ? » a-t-elle lancé aux juges. Le visage recouvert de peinture, elle avait dix minutes pour leur expliquer que pour les Indiens, la terre n’a pas de valeur marchande.
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Exercer notre métier de journaliste, c’est notamment, sur le terrain, aller à la rencontre des Indiens, observer, ressentir, parler, questionner, chercher, comprendre. Et raconter, ensuite.
Mais exercer notre métier de journaliste, c’est d’abord faire des pieds et des mains pour obtenir les autorisations nécessaires pour entrer dans la réserve, et patienter, beaucoup. Nous établissons donc notre QG dans un des rares café Internet de la ville. Quatre jours d’attente, nous avons boosté leur chiffre d’affaire de la semaine !
Lundi 23 mars, nous rencontrons Dionito, président du Conseil indigène du Roraima (CIR), qui nous propose de l’accompagner quelques jours plus tard lors de sa visite dans la réserve de Raposa Serra do Sol. Son attaché de presse, Andrei, active ses réseaux pour nous aider auprès de la FUNAI, organisme gouvernemental qui gère les territoires indigènes brésiliens.
Mardi 24 mars, la FUNAI, basée à Brasilia, réclame nos papiers d’identité, carnet de vaccinations, etc.
Mercredi 25 mars, Nous retournons voir Dionito pour lui demander un ultime papier réclamé par la FUNAI. Nous apprenons que sa visite a lieu le lendemain, et non pas le vendredi comme prévu initialement. Il faut donc accélérer le mouvement.
L’antenne de la FUNAI à Boa Vista nous annonce alors que l’autorisation ne sera pas donnée avant quinze jours, délai constaté en général… Pas de panique, pas de panique… Nous insistons, usons de tous nos arguments… Au final, la responsable recopie le papier fourni par Dionito sur une feuille à en-tête de la FUNAI, et nous souhaite bonne chance si jamais nous croisons la police… !
Notre (faux) sésame en poche, préparation du matériel, excitation, il nous faut dormir, le départ pour la réserve est prévu à 5h lendemain matin…
NDLR : Photos d'archive, sources diverses, dont Ouest-France et sa correspondante locale au Brésil.